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Presqu'île

« … Le visage est l’état d’exposition irrémédiable de l’homme et, en même temps, sa dissimulation justement dans cette ouverture. Et le visage est le seul lieu de la communauté, l’unique cité possible… »
Girgio Agamben
Moyens sans fins, notes sur la politique

Le visage photographié comme révélation d’un écran au monde...

« Presqu’île », invitation de l’association Le Cap à Cherbourg, fait suite à une série de portraits de clandestins réalisés suivant le même protocole en Autriche, au Kulturzentrum bei Den Minoriten. Personnes en contre-jour, le visage adoucit par une définition incertaine, dans un cadrage proche de la photographie d’identité.

D’images en images, des questions dépassant le genre photographique se posent : choisir, dans une vue politique, ceux et celles qui n’ont d’appartenance à une communauté que dans ses bords, ses distentions. Dresser une typologie de la marge, en 2007, quand celle-ci devient signe d’une nouvelle appartenance commune, pointant le doigt sur le bouleversement contemporain du rapport au groupe, à la communauté, à l’autre .

Le visage parfois se rétracte, se raidit dans un caractère, se replie sur sa propre identité muette. Il n’est que pure visibilité, rien qu’une face. Ecran signifiant d’un ailleurs, point d’indifférence de ses propriétés, lieu de passage d’une intimité agissante (l’isolement comme lieu d’un multiple en devenir), et d’une communauté fondamentale, celle de « l’Homme nu » en marge du normatif économique et social mais profondément politique.

Et cette « forme de vie », cette vie fondamentale et nue, hors ou dans les limites extrêmes d’une appartenance à un quelconque système commun, devient alors forme de survie qui dissimule et annonce une nouvelle vie possible ensemble, se frayant un chemin dans des états d’urgence constamment maintenus et répétés, ou l’ouverture (des frontières, des points de circulation, des systèmes économiques) amène à des contrôles accrus dans et hors de ces espaces pseudo ouverts.

Faire image, inscrire dans un seuil de lecture ces visages, qui ne sont, une nouvelle fois, qu’écrans laiteux et muets annonçant une possible communauté à venir…Exposition et retrait, lumière qui dissimule plutôt qu’elle ne révèle, d’une intensité qui marque encore un seuil, photographique, politique, humain.

Eric Aupol
préface à « Presqu’île », Le Point du Jour éditeur


  English 

Peninsula / Presqu’île

« … The face is at once the irreparable being-exposed of humans and the very opening in which they hide and stay hidden. The face is the only location of the community, the only possible city… »
Giorgio Agamben
Means without end, notes on politics

The face photographed as a revelation of a screen to the world ...

"Peninsula"/" Presqu’île ", invitation of the association Le Cap in Cherbourg, follows a series of immigrant's portraits, undertaken with the same protocol in Austria, in the Kulturzentrum bei den Minoriten. People in backlighting, the face softened by an uncertain definition, in a composition close to the passport photo.

From picture to picture, issues beyond the photography arise: choosing, from a political view, those who only belong to a community in its edge ,its distention. Establishing a typology of the margin, in 2007, when it becomes the sign of a new communal belonging, pointing the finger on the contemporary upheaval of the relation to the group, to the community, to the other.

The face sometimes retracts itself, stiffens into a character, withdraw into its own mute identity. It is only pure visibility, nothing but a face. Screen meaning of an elsewhere, point of indifference of its properties, place of passage of an active intimacy (isolation as a place of a multiple to become) and of a fundamental community, the one of "the naked Man "  in the margin of economic and social normative but deeply political.

And this "form of life", this fundamental and bare life, outside or inside the extreme limits of an affiliation with any common system, becomes then a form of survival that conceals and announces a possible new life together, making their way in states of emergency, constantly maintained and repeated, where the opening (of borders, traffic places, economic systems) leads to increased controls in and out of these pseudo open spaces.

Making image, inscribing in a threshold of reading these faces, which are, once again, only milky and mute screens, announcing a possible community to come... Exposure and withdrawal, light that conceals more than it reveals, of an intensity that marks again a threshold, photographic, political, human.

Eric Aupol
Preface of "Presqu’île", Le Point du Jour publisher